Immeuble du 15, rue Visconti photographié à gauche par l'UPF en 1914 (Archives de Paris) et à droite par Florence Jonquières en 1974.


Histoire

Cette maison était sur la censive de l'abbaye dont les archives sont lacunaires par rapport à celles de l'Université concernant le Petit Pré-aux-Clercs. On ne sait donc pas grand chose de l'histoire du bâtiment à ses origines : il existe, sans désignation particulière, en 1547, et s'appelle Maison de la Corne-de-Cerf en 1687.

L'histoire connue commence au début du XVIIe siècle où l'immeuble est propriété de demoiselle Françoise Bouier (parfois orthographié Bouillé), veuve de François Fontaine. Le 14 février 1636, celle-ci fait don des immeubles des actuels 13 et du 15, rue Visconti aux dames religieuses de la Visitation Sainte Marie de la rue Saint-Antoine en raison de « la singulière dévotion que ladite damoiselle Françoise Bouier a dit porter audit ordre de la Visitation, particulièrement audit monastère » et sachant « que les saintes religieuses et leurs successeurs seront tenus et obligés de prier Dieu pour elle et pour les âmes desdits défunts, sieur de Fontaine son mari et Andromaque de Fontaine son fils décédé depuis peu » (Archives Nationales).


Signature de Françoise Bouier en 1636 sur l'acte de donation (Archives Nationales, cliché BER).


Françoise B. ?

Comment orthographie-t-on un nom de famille quand on n'en connaît que des versions manuscrites ? La réponse est « de manière incertaine » ! L'histoire de françoise B. veuve du Sieur de Fontaine est relatée dans plusieurs livres qui évoquent la rue Visconti et plus précisément les deux maisons numéros 13 et 15. Pierre Champion dans « Mon Vieux Quartier » écrit Françoise Bonnier, Demombynes dans « La rue des Marais et la maison de Racine » écrit Françoise Bouhier, Paul de Beauchêne dans « La maison de Racine et la rue Visconti » écrit Françoise de Bonier et Berty dans « Topographe Historique du Vieux Paris » écrit Françoise Bouille.

Tous ces auteurs se sont sans doute appuyés sur les documents postérieurs au don, dans lesquels le nom de Françoise B. est altéré.


Document de 1734 (Archives Nationales) sur lequel est rappelé l'histoire de la donation (cliché BER).

Or la règle des historiens consiste à se référer à la signature de l'intéressé. Pour rueVisconti.com, l'acte original de donation des maisons en question a été consulté et photographié aux Archives Nationales. Sur ce document, la signature de Françoise B. semble assez claire (voyez au-dessus de cet encadré le F de Françoise mêlé au B) pour que nous choisissions d'écrire Françoise Bouier.


Les deux maisons demeureront la propriété des religieuses jusqu'en 1791 où elles seront réquisitionnées comme bien national par la Ville de Paris et revendue à un particulier, Mr Bazin en l'occurrence pour le 15, rue Visconti. Ses héritiers, la famille Lacy, en restera propriétaire jusqu'en 1829, où la maison est vendue à Mr Fabié. Sa veuve revendra la maison en 1862 à la famille Besche-Herdebaut qui la conservera, bon gré mal gré jusqu'en 1926. Cette année-là, ils refusent de céder leur maison à l'amiable à la Ville de Paris dans le cadre du projet de prolongement de la rue de Rennes (voir la page On l'a échappé belle). La maison fait alors l'objet d'un adjudication au tribunal civil et est vendue le 21 juillet 1926.


Plan du rez-de-chaussée du 15, rue Visconti d'après le relevé de Philibet Vasserot entre 1821 et 1822
(Archives Nationales, reproduit pour www.RueVisconti.com).


Il y a eu longtemps une menuiserie dans un atelier à gauche dans la cour. Il y en avait une en 1913, tenue par Mr Deveau, puis en 1925 par le couple Clavier, et on retrouve encore une enseigne de menuiserie « A. Debrosse et ses fils » dans l'entrée du l'immeuble au moment de sa démolition en 1974. Il y avait aussi un établissement dont la dénommination était « Vins - Liqueurs - Restaurant » et qui comprenait une « boutique avec cuisine » et logement au quatrième étage. Les derniers tenanciers du restaurant du 15, rue Visconti : Mr Récurat, Marchant de vins en 1913, puis le couple Nast du 1er juillet 1924 au 7 mars 1925 auquel succède le couple Marlot. Il y avait aussi un atelier de fondeur et deux petites maisons de deux étages dans la cour.

En 1961 M. Berry, Architecte en Chef des Monuments Historiques, fait une proposition audacieuse consistant démolir les immeubles 5, 7, 9, 11, 13 et 15 pour ouvrir sur la rue Visconti les jardins privés de l'îlot pour en faire un jardin public (voir l'article consacré au projet). Ce projet est écarté mais il met en lumière l'état d'insalubrité avancé de cette portion de la rue. Plutôt que démolir, la Commission du Vieux Paris préconise, toujours en 1961, que les immeubles numéros 13 et 15 soient "conservés et remis en état pour garder à cette rue son caractère ancien et pittoriesque auquel s'attache le souvenir de Balzac".

En 1969, l'immeuble est considéré comme « étant dans un état extrêmement précaire », « tout près de l'effondrement ». La Ville est obligé de le maintenir debout par "une batterie d'étais" qui traversent la rue Visconti. L'immeuble du 13 ayant été démoli, le 15 se trouve déstabilisé et le mur pignon dénudé doit aussi être renforcer par des étais.


Immeuble du 15, rue Visconti retenu par des étais. Au premier plan, le 13, rue Visconti a été démoli (Archives de Paris, cliché BER).


En 1969, une étude préalable est lancée pour déterminer l'avenir de cette parcelle, toujours propriété de la Ville de Paris. Dans un premier temps l'étude de 1969 envisage la création d'un habitat social uniquement sur la parcelle du 13 mais le projet prend de l'ampleur et s'étend au n°15 qui devra être démoli. Finalement, le Conseil de Paris, par délibérations en date des 9 juillet 1970, 21 décembre 1970 et 22 décembre 1971, décide l'affectation des 2 terrains domaniaux d'une superficie totale de 955 mètres carrés en vue de la création d'un foyer-logements et d'une crèche. Les plans de l'ensemble social sont dressés par la Sous-direction de l'Architecture de la Ville de Paris, qui assurera la maîtrise d'ouvrage et par François Carpentier, architecte.

Le projet est dès le départ assez semblable à ce que l'on peut voir aujourd'hui. Seuls quelques détails sont âprement discutés, comme l'importance du décrochement entre l'immeuble du 13 et du 15 (50 cm finalement), ou bien la forme que doit prendre le retour du 13 pour cacher le mur pignon du 11, comme cela a été demandé par les Monuments Historiques.


Croquis du projet intermédiaire. Le bâtiment ne sera pas construit exactement comme cela.


Les architectes vont chercher à insérer au mieux les nouveaux bâtiments à ceux de la rue, mais aussi aux jardins à l'arrière des bâtiments, afin de ne rien défigurer. Il vont essayer de réutiliser l'escalier du 15, et inséreront les deux portes en bois des bâtiments d'origine dans leur édifice. Les deux portes visibles aujourd'hui sont les uniques vestiges des anciens numéros 13 et 15.


Etude d'insertion des deux bâtiments à construire dans la continuité des façades coté impair (coloré par moi).


Une demande de permis de construire est déposée le 19 mai 1972 qui sera accordé le 18 juin 1974.


L'énorme dossier de la demande de permis de construire.


Le vaste immeuble du 15 est démoli en 1974.

Chantier de démolition du 15, rue Visconti en 1974 (Clichés Florence Jonquières).


Les travaux de construction débutent en décembre 1974 et la réception provisoire, prononcée le 21 juillet 1977. Les travaux sont finalement déclarés terminés le 22 mai 1978.

Comme cela est décrit dans la plaquette éditée par la Ville de Paris le 7 janvier 1978, « Le parti architectural adopté a été influencé par le désir d'intégrer la construction à l'ensemble du quartier ».


La porte du 15, rue Visconti : sur l'ancien bâtiment, à gauche en 1972, sur le nouveau bâtiment aujourd'hui.


Images de l'intérieur de la crèche (fascicule de la Ville de Paris du 7 janvier 1978, Bibliothèque Administrative de la Ville de Paris, clichés BER)


La crèche a ouvert le 29 septembre 1977 et fonctionne avec 13 agents. Elle comporte 60 lits et se répartit sur 4 niveaux avec jardin privatif au rez-de-chaussée pour les enfants et appartement de fonction pour la directrice au 3e étage.



Galerie

Entrée du 15, rue Visconti en 1960 (cliché B.E.-R.).
Bâtiments sur cour du 15, rue Visconti en 1960 (cliché B.E.-R.).
Cour du 15, rue Visconti en 1960 (cliché B.E.-R.).
Porche du 15, rue Visconti par Eugène Atget en 1910.
Porte du 15, rue Visconti, aujourd'hui.
Immeuble du 15, rue Visconti photographié par l'UPF en 1914 (Archives de Paris).
Immeuble du 15, rue Visconti retenu par des étais. Au premier plan, le 13, rue Visconti a été démoli (cliché pris en 1972).
Immeuble du 15, rue Visconti retenu par des étais. Au second plan, le 13, rue Visconti a été démoli (cliché pris en 1972).
Immeuble du 15, rue Visconti retenu par des étais. Au premier plan, le 13, rue Visconti a été démoli (cliché pris en 1972).
Idem que la précédente : on distingue en plus les étais qui renforcent le 21, rue Visconti, au fond de la rue.
Mur pignon du 15, avec au premier plan à droite de l'image, l'immeuble du 17, rue Visconti (cliché pris en 1972).
Etayement du 15, rue Visconti dans le trou laissé par le bâtiment principal du 13, démoli (cliché pris en 1972).
Façade du 15, rue Visconti, prise depuis l'immeuble du 14 (cliché de 1972).
Toitures du 15, rue Visconti (cliché de 1972).
Porte du 15, rue Visconti, réutilisée dans le bâtiment nouveau (cliché pris en 1972).
Croquis intermédiaire du projet de construction des bâtiments sociaux : le projet final est légèrement différent.
Façade sur rue.
Façade sur jardin.
Etude d'insertion des deux bâtiments à construire dans la continuité des façades coté impair (coloré par moi).
Plan du rez-de-chaussée du 15, rue Visconti levé par Philibert Vasserot entre 1821 et 1822.


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