16, rue Visconti



Histoire

La maison présente une façade composée de trois travées et de deux étages carrés sur rez-de-chaussée avec porte cochère et soubassement en pierre de taille. Garde-corps en fonte du XIXe siècle à décor de palmettes et remarquable escalier de pierre avec rampe en fer forgé. Adrienne Lecouvreur y aurait vécut.

L'histoire du terrain de cette maison se confond avec celle du petit Pré-aux-Clercs jusqu'en 1540-43. En 1543, Pierre le Clerc qui avait acquis le Pré de l'Université signe deux sous-baux l'un pour un large terrain à Martin Frette, l'autre pour un tout petit, à Nicolas Delamarre. Rapidement, ces deux lots furent fusionnés par Thomas de Burgensis qui y fit bâtir une grande maison, la seule, à l'époque, dont l'entrée principale était rue des Marais. La propriété allait dont du coin de la rue Bonaparte jusqu'au numéro 16 inclus et était profond de la même profondeur que les parcelles actuelles du 16 au 26, rue Visconti. Elle était composée de deux corps de logis en aile, avec cour au milieu et jardin derrière.


Forme du petit Pré-aux-Clercs superposée au cadastre actuel, et les 11 lots tracés par Pierre le Clerc. Les lots orange et vert en haut à gauche de l'image ont été fusionnés entre 1550 et 1570 pour constituer une seule et même grande propriété. L'actuel numéro 16 est hachuré.


La grande propriété est connue pour avoir été habitée par Nicolas le Vauquelin des Yvetaux. En 1658, Jacques le Maçon, Sieur de la Fontaine achète la maison et la détruit. Il fait reconstruire 3 maisons. Elles seront saisies et partagées en 7 lots qui forment aujourd'hui le 17 et 19, rue Bonaparte, et les numéros 16 à 24 de la rue Visconti.

La maison du 16 est construite à cette époque pour Augustin de Louvencourt, Conseiller du Roi, maître ordinaire de la Chambre des Comptes qui acquiert la parcelle le 27 février 1682. Sa veuve rachètera le 14, rue Visconti mais ses héritiers revendront les deux maisons indépendamment à la fin du 18e siècle (voir plus bas la lignée complète des propriétaires).

Détail amusant, la maison, comme d'autres dans le quartier, est tenue de loger la première compagnie des Mousquetaires à cheval de la garde du roi en cas de besoin. Ce sont les de Lovencourt qui se débarrasseront de cette astreinte en 1706 et 1719 en contribuant à l'aménagement d'un hôtel spécifique pour les Mousquetaires.

Le bâtiment est composé d'un premier corps de logis sur la rue de deux étages et combles couverts de tuiles et gouttières en plomb, avec porte cochère et caves. Derrière, il y a une grande cour pavée de grès, avec en aile à droite, un autre bâtiment de même hauteur qui abrite l'escalier qui dessert les principaux étages. A gauche de la cour deux étages de cabinets d'aisances sont construits en retour.


Le superbe escalier du 16, rue Visconti (cliché BER).


Au moment de la succession du dernier Louvencourt, 80 ans plus tard, la belle maison construite par son ancêtre est dans un état que l'on qualifierait aujourd'hui d'insalubre.

Les conduits de cheminée sont à moitié démolis, le mur mitoyen avec l'immeuble du 14 s'incline dangereusement, au point que des experts préconisent de le faire reconstruire à partir du 2e étage. Un tirant de fer devra même être posé pour empêcher la façade de prendre trop de ventre.

Les fenêtres ne ferment plus, leurs châssis se détachent de leurs montants en pierre, les petits carreaux en verre de plomb sont sales et la moitié d'entre eux est cassée ainsi que la moitié des petits carreaux en terre cuite qui revêtent le sol des pièces de la maison. Le palier du grand escalier est recouvert de grands carreaux en pierre de liais et de petits carreaux de marbre noir qui sont également en très mauvais état.

Les murs intérieurs et extérieurs sont fissurés et des morceaux de revêtement en plâtre sont tombés. Les plafonds à solives apparentes de l'intérieur sont également en mauvais état, une poutre est même brisée en son milieu, juste supportée par un mur de cloison et renforcée par une barre métallique.

Enfin le pavement de la cour est dans tel état de délabrement (pavés déchaussés ou manquants) que les eaux de ruissellement ne s'écoulent plus vers la rue et stagnent dans la cour devenue une marre boueuse.

Dix ans plus tard, en 1771, la maison a été rénovée et est redevenue un logis agréable. La façade sur rue présente trois croisées (fenêtres à petits carreaux) sur chacun des deux étages, le toit a été refait et les murs rectifiés, la cour enfin, a retrouvé son ruisseau d'écoulement des eaux de pluie vers la rue.


Façade sur rue du 16, rue Visconti en 1771. Archives Nationales.


L'écurie pour 6 chevaux est installée à droite du passage de porte cochère, dans laquelle est aménagé un petit logement en entresol pour le palefrenier. En face de l'écurie, à gauche passage de porte cochère, est installée la cuisine pavée avec une large cheminée en hotte un fourneau à pâtisserie, un fourneau potage et un poissonnière. Un escalier permet d'accéder aux caves et aux étages supérieurs. Devant la fenêtre sur cour, est une pierre à laver et à coté, dans l'épaisseur du mur, il y a un puits avec margelle de pierre.


Plan du rez-de-chaussée en 1771, Archives Nationales. La rue est en bas, le passage de porte cochère au milieu. A droite, l'écurie avec le petit escalier qui monte à l'entresol où est le logement du palefrenier. A gauche, la cuisine avec la cheminée à hotte, le réchaud, le puits dans l'épaisseur du mur, et la cage d'escalier qui permet d'accéder aux les étages et aux caves.


Dans la cour à gauche au rez-de-chaussée est la loge du gardien. A droite, après l'escalier, le rez-de-chaussée est organisé en un garde manger suivi de trois remises, dont une avec siège d'aisance.


Plan du rez-de-chaussée en 1771, Archives Nationales. On voit à droite de l'image, le bâtiment en aile. En bas à droite l'escalier principal qui monte aux étages. En haut de l'image, la dernière remise abrite un cabinet d'aisance.
Enfin en bas à gauche, un petite aile située à gauche de la cour sert de cabinet d'aisance aux étages.


Au premier étage sur rue, il y a trois chambres avec antichambre, cabinet ou garde-robe, le tout parqueté et à solives apparentes, avec pour chacune, une cheminée l'une en marbre, l'autre habillée de bois, la dernière en pierre de liais.

La décoration des pièces du bâtiment en aile sur la droite est beaucoup plus travaillée. Ce sont les salons où l'on reçoit. Les cheminées sont en marbre sur lesquelles sont monté des miroirs à deux panneaux, encadrés de décors en bois sculpté couronné par un petit tableau représentant une scène maritime ou des jeux d'enfants. L'un des cabinets est même entièrement revêtu de lambris peints avec cheminée en faïence.

Le deuxième étage est similaire au premier et dans l'étage sous les combles, on trouve 4 chambres de domestiques, dont une sans cheminée. Les combles de la partie en aile, à droite dans la cour, servent de grenier à fourrage ouvert sur la cour.


De gauche à droite : Plan du rez-de-chaussée en 1789 (Archives Nationales, cliché BER) ; au début du XIXe siècle (AN) et le cadastre actuel.


Les propriétaires successifs continueront de bâtir à l'intérieur de la cour jusqu'à la réduire à une allée. Au XIXe siècle un bâtiment d'atelier est construit à gauche de la cour. Avant 1910, un nouveau bâtiment a été construit au fond de la cour.

Dans le cadre du prolongement de la rue de Rennes (voir la page On l'a échappé belle !), la maison a été vendue à la Ville de Paris en 1914.



Un couvreur-plombier au numéro 16

En 1852 ou 1853, Mr Mauger fonde une entreprise de couvreur-plombier au numéro 16 de la rue Visconti. Joseph Doloir la lui rachète en 1887. En 1893, il s'associe avec Cholain jusqu'à ce que Doloir décède en 1901. Sa veuve, Rosalie Raynal reprend le flambeau mais dissout l'association deux ans plus tard . Georges Chargrasse qui est le beau-fils de la veuve Doloir rachète alors les parts de Cholain. Il faut croire que l'entreprise est florissante puisque la société acquiert le fonds de commerce de Leboeuf au 1, rue de l'Abbaye. Chargrasse rachète la totalité de l'entreprise en 1907 et devient propriétaire de l'immeuble du 16 en 1911.


Papier à en-tête de l'entreprise Chargrasse et sa signature (Archives de Paris, clichés BER).

La société emploie à cette époque trois commis et du personnel ouvrier variable (et l'immeuble compte 33 locataires). La société occupe la totalité du rez-de-chaussée à l'exception de la loge du gardien. On y trouve un bureau à droite dans la cour, à la suite duquel se situe l'atelier avec une forge, deux étaux, un tour, une perceuse, une enclume... Le reste du rez-de-chaussée est constitué de magasins de stockage. Le premier étage au fond de la cour est aussi occupé par Chargrasse qui s'y est installé un bureau personnel et un appartement privé auquel il accède par un escalier intérieur.


Immeuble du 16, rue Visconti en 1914. On y voit l'inscription "Chargrasse" en haut de la porte d'entrée.
Archives de Paris, reproduit pour www.ruevisconti.com.


Malheureusement, dans le cadre du prolongement de la rue de Rennes (voir la page On l'a échappé belle !), le 16, rue Visconti doit devenir le 20 bis, rue de Rennes. Georges Chargrasse propriétaire est donc exproprié en 1914, mais Georges Chargrasse entrepreneur n'en continue pas moins ses activités pendant encore près de 20 ans. En 1934 ce sont ses fils qui reprennent l'entreprise qui finit par disparaître en 1947 après presque 100 ans d'activités.



Lignée complète des propriétaires du 16, rue Visconti de 1540 à 1950
Réalisée grâce aux données collectées aux Archives de Paris (sommier foncier), Archives Nationales (Déclarations au Terrier, Minutier Central, Mémoire sur le petit Pré-aux-Clercs) et Bibliothèque Historique de la Ville de Paris (Atlas de Censive de l'Université).

L'histoire du terrain de cette maison se confond avec celle du petit Pré-aux-Clercs jusqu'en 1540-43 (voir l'Histoire de la rue Visconti). En 1543, Pierre le Clerc qui avait acquis le Pré de l'Université signe deux sous-baux l'un pour un large terrain à Martin Frette, le 4 octobre, l'autre pour un tout petit, à Nicolas Delamarre le 9 octobre. Alors que le terrain de Delamarre semble rester à l'état de jardins, Frette aurait construit sa maison sur le sien.

Toujours est-il que "quelque peu de temps après" Thomas de Burgensis rachète les deux terrains et y fait bâtir une grande maison, la seule, à l'époque, dont l'entrée principale était rue des Marais. La propriété allait donc du coin de la rue Bonaparte jusqu'au numéro 16 inclus et était profonde de la même profondeur que les parcelles actuelles du 16 au 26, rue Visconti. Elle était composée de deux corps de logis en aile, avec cour au milieu et jardin derrière.

Sa fille, Jeanne de Burgensis et veuve du sieur Hiérôme de Berzeau en hérita et en fit don le 5 septembre 1576 à son fils, Hiérôme de Berzeau sieur de la Marcilière. Celui-ci vendit la maison à Claude le Bret le 11 janvier 1602, qui la revendit le 28 mars 1607 à Mr Nicolas le Vauquelin, sieur des Yvetaux et de Sacy, Conseiller d'Etat.

Ce dernier eut son heure de gloire pour ses frasques et, connu comme étant un médiocre poète, il fit des envieux avec sa maison retirée à la limite de la ville, tant et si bien qu'il fut surnommé le "dernier des hommes".

Des Yvetaux fit don de sa maison à son neveu, Nicolas le Vauquelin de Sacy et à sa femme Marguerite Dupuys à l'occasion de leur contrat de mariage le 17 octobre 1644. Nicolas le Vauquelin de Sacy la revendit le 30 décembre 1658 à Jacques le Maçon, sieur de la Fontaine, Intendant et Contrôleur Général des Gabelles de France. Celui-ci fit démolir la maison, et en fit construire trois nouvelles. Les créanciers du Mr de la Fontaine saisissent ses biens vers 1670-80 et font démolir les trois éphémères maisons et redéfinissent 7 lots à savoir le 17 et 19, rue Bonaparte, et les numéros 16 à 24 de la rue Visconti.

Le lot du 16, rue Visconti est acheté aux créanciers le 27 février 1682 par Augustin de Louvencourt, Maître des Comptes qui y fait bâtir sa maison. Mr de Louvencourt reste propriétaire environ 20 ans puis décède, laissant la maison en héritage à son fils unique, Augustin-François de Paule de Louvencourt, Conseiller au Parlement. A son décès, la maison revient à Jeanne Parvillis et Charles Augustin de la Doubart de Coupe. Leurs héritiers se partagent la maison le 8 octobre 1772 puis la revendent le 18 mars 1773 à Joseph Benoist Coste de Champeron. Leurs enfants en seront propriétaires jusqu'en 1797, année à laquelle ils revendent la maison à Marie Angélique Philiberte Rousselot, veuve de Jean-Baptiste Vulpian, Jurisconsulte. Celle-ci revend la maison 20 ans plus tard, le 23 juillet 1818 à Jean Julien Lucas, Marchand de Couleurs, qui, dans l'impossibilité de payer la somme due, revend le 29 septembre de la même année à Claude François Maradan, libraire.

Ses héritiers se font saisir la propriété qui sera adjugée au Comte Guy-Auguste de Porlier et à sa femme, Antoinette-Caroline de Caqueray le 29 novembre 1823. A la mort de Mme de Caqueray, la maison est héritée par ses enfants, puis attribuée par partage à André-Théodore-Anathole Porlier, vicomte de Rubelles, le 23 mai 1831.

André-Théodore vend la maison quelques années après, le 9 août 1865 à Pierre Michel Faucon et sa femme, Madeleine Sorel. Leurs enfants et petits enfants en hériteront le 9 février 1873 à la mort de Madeleine, et le 20 mai 1884 à la mort de Pierre-Michel. A la mort de Madeleine Faucon (fille de Madeleine Sorel) épouse Domas le 8 août 1902, sa part revient à son fils Louis Théodore Domas et sa fille, Louise Domas épouse Marx la reçoive en héritage. Mais la maison est attribuée par adjudication le 23 juin 1903 à Edmond Duez (petit fils de Pierre Michel Faucon) et Honorine Faucon épouse d'Arthur Mallebay d'Echerai.

La maison est finalement vendue par adjudication le 14 janvier 1911 à Georges Louis Chargrasse, qui occupe déjà le rez-de-chaussée du bâtiment depuis 1903. Dans le cadre du prolongement de la rue de Rennes (voir la page On l'a échappé belle !), la maison est finalement vendue à la Ville de Paris en 1914. Avec l'abandon du projet de prolongement, l'immeuble passera dans le « domaine privé » de la Ville de Paris.





Galerie

Porte du 16, rue Visconti, aujourd'hui. Escalier du 16, rue Visconti. Entrée du 16, rue Visconti vue depuis la cour.
Porche du 16, rue Visconti par Eugène Atget en 1910.
Cour du 16, rue Visconti par Eugène Atget en 1910.
Immeuble du 15, rue Visconti photographié par l'UPF en 1914 (Archives de Paris).


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