Altitude et relief de la rue Visconti

L'altitude moyenne autour de la rue Visconti est de 32 m environ au dessus du niveau de la mer, soit quelques 6 m au dessus du niveau de la Seine. Le terrain grosso modo compris entre la Seine et la rue Jacob et entre la rue Bonaparte et la rue Mazarine est plus bas que les environs de 1 m et est en zone inondable. Dans cette zone, le terrain est en pente douce de la rue Bonaparte vers la rue de Seine. La rue Bonaparte elle-même monte de 50 cm de la Seine au numéro 18, puis redescend de 1 m 60 jusqu'au croisement de la rue Jacob, puis remonte de 2 m 50 jusqu'à l'église Saint-Germain-des-Prés. La rue de Seine quant à elle descend légèrement de la Seine à la rue Visconti puis remonte de 3 m en pente régulière jusqu'au boulevard Saint-Germain.

Le relief est représenté dans le schéma ci-dessous à l'aide des données collectées auprès de la Direction de la Voirie. Les courbes de niveaux sont reconstituées à partir de données ponctuelles et ne prétendent pas être parfaitement exactes mais ont pour but de donner la tendance. Les flèches indiquent le sens de la pente descendante.


Courbes de niveaux schématiques du quartier. Les flèches indiquent le sens de la pente descendante.


Le relief de la rue Visconti semble tout a fait inexistant à un oeil non averti, mais il existe pourtant un dénivelé de 1 m 50 entre la rue Bonaparte et la rue de Seine ! Grâce aux cotes d'altitude, précises au centimètre près, obtenues à la Voirie, il est possible de tracer l'évolution de l'altitude de la chaussée le long de la rue (voir ci-dessous). La rue commence rue de Seine à une altitude d'environ 31 m 50 puis monte avec une pente de 0,5 % jusqu'au milieu de la rue, où la pente s'accentue, passant à 1 % en moyenne, et finit rue Bonaparte à 33 m.


Evolution de l'altitude de la chaussée tout au long de la rue Visconti.


Le relief de la rue Visconti et des rues environnantes n'a plus grand chose de naturel tant il a été modifié. A titre d'exemple, lorsque la Reine Marguerite de Valois a fait bâtir son palais entre la rue Visconti et la Seine au début du 17e siècle, elle a fait changer la pente de la rue Visconti ! La façade de son palais était sur la rue de Seine dans laquelle se déversaient les égouts des rues environnantes, dont ceux de la rue Visconti, ce que la Reine appréciait moyennement. Elle a donc pris l'initiative d'inverser la pente de la rue Visconti de manière à ce que ses égouts se déversent dans la rue Bonaparte ! Les habitants, furieux, lui ont alors intenté un procès et ont rétabli la pente originelle sans attendre le verdict.

Le terrain a été fortement terrassé avant et pendant le lotissement du quartier. Les archives conservent rarement le détail des terrassements, voire même ne les signalent pas. Il est ainsi assez ardu de dresser l'historique de l'évolution du relief ou de déterminer à quoi il ressemblait avant le 15e siècle. Heureusement, il existe quelques indices.

On sait par exemple qu'une tombe préhistorique a été découverte dans l'enceinte des Beaux-Arts (voir la page Préhistoire) sous 5 mètres de terre dont 4 m de terres "rapportées". De l'autre coté du quartier, la base des tours de l'enceinte de Philippe-Auguste (13e siècle) sont aujourd'hui au niveau des sous-sols, à 5 m en dessous du niveau actuel de la chaussée. On peut en déduire que globalement le sol est aujourd'hui en moyenne à 4 m au dessus du sol d'origine qui devait donc se situer aux environs de 28 m.

Cela est cohérent avec la réputation de cette portion de terre qui était qu'elle était inondée quasiment tous les hivers par les eaux de la Seine située en temps normal 2 m en dessous. Pierre Le Clerc se plaint d'ailleurs en 1539, bien avant qu'il achète ce terrain, que les eaux de l'hiver ne se retirent pas assez vite et réclame que le sol soit surélevé avant d'y bâtir.

Le terrain a aussi été fortement remanié à la fin du 14e siècle par la création d'un canal assez large (la Petite Seine, le long de l'actuelle rue Bonaparte) pour alimenter en eau les douves de l'abbaye, dont le fossé nord se trouvait le long de l'actuelle rue Jacob. Ces douves ont été petit à petit comblées, mais il est resté des fossés marqués pendant des siècles et le canal a été longtemps un chemin creux. Il est possible, mais ce n'est qu'une conjecture, que la dépression au croisement de la rue Jacob et la rue Bonaparte soit un souvenir du canal et des douves qui se rejoignaient à cet endroit.


Evolution schématique du relief le long de la rue Bonaparte, depuis la Seine jusqu'à l'église.


On sait aussi que le quai Malaquais a été édifié en 1552 et consistait en un "dos d'âne" destiné d'abord a éviter que les eaux du fleuve n'envahisse le terrain. Il est fort probable que c'est à cette époque qui est aussi l'époque du lotissement du quartier, que de vastes terrassements ont eu lieu.

Enfin, pour illustrer les modifications imposées par l'homme au relief naturel, l'église Saint-Germain-des-Prés est construite à l'origine sur un "mamelon", semble-t-il assez remarquable et qui a la particularité d'être hors d'atteinte des crues habituelles de la Seine. Or il est difficile de s'en rendre compte aujourd'hui, d'une part à cause du fait que les terres environnantes ont été surélevées, et d'autre part parce que le terrain autour de l'église a été abaissé d'un mètre lors du percement de la rue de Rennes et de la création de la place Saint-Germain-des-Prés au 19e siècle. On peut s'en convaincre en regardant l'entrée de l'église et la petite porte à sa droite, par lesquelles on entre via 3 marches alors qu'elles étaient de plain pieds, le parvis étant lui même en pente jusqu'à la chaussée.

En conclusion, les petits accidents du relief du quartier ne sont dus qu'à l'homme. Seule la pente douce de la rue Bonaparte vers la rue de Seine semble constituer une trace du relief d'origine.

Baptiste Essevaz-Roulet
(courriel : b.essevaz-roulet@ruevisconti.com)